Le Caire, Dubaï, Ryad et Rabat : les voi(x)es arabes des nouvelles Routes de la Soie
Une pléthore d’ouvrages aborde les Routes de la Soie, à travers le prisme d’une intrusion chinoise agressive, cachant derrière son projet économique d’envergure qui multiplie les dettes sur son passage, de grandes ambitions hégémoniques, sécuritaires et militaires.
Peu envisagent le point de vue local des pays invités à les tracer, dans le sillage de la Chine : quelle intensité donner à une telle implication, sans offenser les alliés occidentaux. Un difficile équilibre a trouver, dans un calendrier chargé, par les investissements chinois qui les placent à l’avant poste de leur déploiement actuel ?
Le livre « The Belt and Road of the Past or Forecasting for the Future » publié en Égypte par la bibliothèque d’Alexandrie, rassemble plusieurs études analytiques qui décryptent la vision arabe, à travers ses acteurs principaux : Emirats, Egypte, Arabie-saoudite et celle des responsables chinois en mission sur place. Ces derniers ne manquent pas de rappeler l’histoire riche et ancienne que partage le monde asiatique et arabe, depuis des temps anciens ayant forgé durablement, les premières grandes routes commerciales.
Les restrictions américaines très sévères, après le 11 septembre 2001, ont poussé et permis aux nations arabes de se tourner précipitamment vers la Chine. Sa base militaire impressionnante à Djibouti, en cours d’extension qui accueillera plus de 10 000 soldats à terme, propulse la Chine, dans la région et l’impose comme nouveau gendarme mais aussi fournisseur d’armement plutôt arrangeant, dans une conjoncture propice à la signature de futurs gros contrats avec des partenaires riches, déjà bien dotés à l’instar de l’Egypte, des Emirats et de l’Arabie-saoudite.
L’ambassadrice de Chine au Caire écrit, que le monde arabe représente un pont incontournable entre la Méditerranée via l’Europe & l’Asie, mais aussi entre l’Asie et l’Afrique, où de grands développements d’infrastructures en construction, changent la physionomie du continent, avec la bénédiction de l’Union Africaine. Aucune volonté de former d’alliance géopolitique ou militaire explique-t-elle: la Chine se borne à un rôle d’accélérateur de développement qui permet aujourd’hui de moderniser les territoires partenaires. Elle souligne le volume en progression des flux commerciaux, entre la Chine et les pays arabes : 266,4milliards$ en 2019 et 1,4Milliards$ IDE (investissements directs à l’étranger)
Dr Sherine Jaber aborde l’importance primordiale de la péninsule arabique pour la Chine, avec un focus sur l’amplification des relations sino-saoudiennes, dans le cadre du développement des actions diplomatiques chinoises, renforcées depuis 2013 : « les Routes de la Soie sont un projet dont les opportunités l’emportent sur les défis ».C’est pourquoi l’Arabie-saoudite lance avec fermeté, plusieurs projets, au coeur de sa stratégie de développement, en jointure avec la Chine dans des domaines sensibles tels que le nucléaire et le militaire.
On peut pousser ce constat au Maroc, membre de la BRI depuis 2017, positionné à l’intersection de plusieurs régions du monde: un relai multiple vers l’UE, vers l’Afrique, où le Royaume depuis plus de 30 ans, mène une politique étrangère très intensive, et enfin vers l’Atlantique.
Tanger Med devenu premier port d’Afrique, offre un double balcon sur les « 2 mers » et un grand centre de transbordement-fret-logistique international. La sortie de terre de la ville nouvelle de Dakhla, au Sud, l’agrandissement du port de Casablanca et l’arrivée du TGV, présentent des atouts considérables, plaçant le Maroc comme partenaire stratégique sur la feuille de route chinoise.
Un maillon fiable vers l’Occident, permettant de construire une plateforme à partir de laquelle exporter ses biens et ses services en particulier en Espagne, Portugal, France, et Italie. Le Maroc et la Chine viennent de signer le plan de mise en œuvre conjointe de « l’initiative de la Route de la Soie » afin de matérialiser et accélérer, l’accès aux capitaux chinois, puis concrétiser les 80 projets bilatéraux, dont le très attendu « Mohamed VI TangerTech, » signé en 2019.
La Chine et le monde arabe construisent des liens techniques profonds, qui ouvriront de nombreux relais anciens et nouveaux, mais également des partenariats prestigieux intégrant de fait la sécurité régionale; un cadre nécessaire aux succès du projet titanesque chinois, des nouvelles Routes de la Soie