« Connais le Ciel et la Terre, et la victoire viendra »
Cette citation de Sun Tse, dans l’Art de la guerre, au VIe siècle avant J.C n’a jamais été aussi véridique au XXIe siècle.
La guerre en Ukraine a mis à la lumière cette discipline pratiquée initialement dans les années 90 dans le monde militaire, mais également dans le monde civil, notamment depuis l’essor des technologies et d’internet.
Cette discipline est une branche de l’OSINT (Open Source Intelligence) qui combine une série de techniques et méthodes afin de récupérer l’information en source ouverte, donc accessible au public, dans le but d’en tirer une information précise.
On dit bien souvent qu’une image vaut milles mots alors je ne vais pas m’étaler en élucubrations, et je vais vous présenter deux cas pratiques réalisés cette semaine, qui serviront d’illustration de la discipline.
Deux exemples de GEOINT réalisés cette semaine
1. Frappe ukrainienne à Donetsk
La géolocalisation à Donetsk, en Ukraine, d’une frappe ukrainienne sur une zone résidentielle, suite à plusieurs vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
Comment ai-je procédé ?
J’ai reçu plusieurs alertes de frappes sur la ville de Donetsk, puis rapidement des vidéos ont été publiées montrant des colonnes de fumées à différents endroits de la ville.
A noter tout de même que l’outil FIRMS de la NASA est particulièrement utile dans cette région du monde car il recense par satellite les zones de chaleur (dans le Donbass, il s’agit souvent d’incendies ou de véhicules détruits suite à des tirs, ce qui permet une approximation de la progression terrain.)
Comme on le constate ici, plusieurs sources de chaleur dans le Donbass, notamment autour de Severodonetsk, mais surtout dans la ville de Donetsk au 17 Juin, confirmant l’information au sujet des tirs ukrainiens sur la ville.
A partir de là j’ai jeté un coup d’oeil aux vidéos publiées sur internet.
La première pouvait être aisément géolocalisable parce qu’elle montrait une première colonne de fumée juste derrière le stade de la ville.
Ce genre d’infrastructure vous facilitera beaucoup la tâche parce qu’elles sont facilement repérable sur Google Maps ou tout autre outil satellite que vous utiliserez.

On voit tout de même sur cette vidéo une seconde colonne (à gauche) qui était bien plus dur à trouver avec uniquement ce document.
Dans ce cas précis j’ai eu de la chance puisqu’une seconde vidéo présentait, dans un autre angle, la seconde colonne de fumée de la vidéo précédente.

Les bâtiments de la vidéo sont assez singuliers par rapport aux autres bâtiments de la ville, et finalement, après avoir vérifié les angles des infrastructures, j’ai trouvé la position exacte de la seconde colonne de fumée qui sortait d’un immeuble d’habitation aux coordonnées : 48.0395966, 37.7822553 .
2. Attaque terroriste au Sahel
Géolocalisation d’images publiées par l’Etat Islamique dans le Sahel suite à une attaque revendiquée sur un poste de police.
Comment ai-je procédé ?
Dans ce cas précis, tout a commencé avec les publications de l’Etat Islamique de leurs attaques à plusieurs endroits au niveau de la frontière du Burkina Faso et du Niger. Ici l’attaque date du 12 avril.
Les djihadistes ne donnent pas la géolocalisation exacte mais évoquent dans leur communiqué la frontière Burkina Faso / Niger, et notamment une attaque contre un poste de police de la région de Tillaberi, côté Niger donc.
Dans ce cas aussi on cherche les infrastructures interessantes qui peuvent nous servir de points d’appuis pour mener nos recherches.
Remarque : L’avantage de cette région désertique est qu’en dehors de quelques petites constructions, le poste de police apparaît clairement sur les images satellites, d’autant plus qu’il a une structure originale comparé aux standards régionaux. Ce n’est pas toujours aussi simple selon les regions étudiées.
Donc à ce stade on sait :
Que l’attaque a eu lieu sur un poste de garde frontière
On connaît l’apparence des infrastructures de ce poste de police
On peut s’appuyer sur quelques bâtiments pour établir notre recherche.
Par réflexe, je suis allé voir une carte des routes au niveau de la frontière Burkina Faso / Niger afin de voir celles qui pourraient accueillir un poste de police aux frontières.
Dans ce cas pas de secret, il faut sillonner avec Google Maps ou Google Earth chaque route qui passe la frontière en espérant trouver des infrastructures qui pourraient être candidate à ce que nous cherchons.
Après quelques instants, une zone attire mon attention, près de Pétèl Kolé. Entre temps l’information est confirmée par Wassim Nasr sur son compte twitter, ce qui facilite un peu le travail.
On voit assez clairement, côté Burkina Faso, ce qui semble être une base.
Là certaines infrastructures nous rappellent les images partagées par les terroristes, mais on ne peut pas encore confirmer la zone. Il faut d’abord retrouver nos “points d’appuis” identifiés plus haut sur les images publiées.
C’est désormais chose faite, on retrouve aussi le bâtiment central avec ses deux cotés arrondis au centre.
On a désormais confirmation du lieu de l’attaque, aux coordonnées : 14.003952, 0.412326.
Conclusion
Des outils très simples d’accès peuvent permettre de géolocaliser des zones précises. Bien sur, il existe un tas d’autres outils plus ou moins complexes qui permettent d’étoffer ces travaux, et d’affiner les recherches.
Il faut aussi prendre en compte que certaines recherches peuvent être très laborieuses, voir infaisable en raison du manque d’informations. J’aimerais aussi souligner le fait que des outils comme Google Earth ou Google Maps utilisent plusieurs couches d’images satellites, parfois datées d’il y a plusieurs années et vous montreront un aperçu dépassé d’une région. Pour cela il existe d’autres plateformes comme Yandex Maps par exemple.
La difficulté varie également selon les zones d’études et d’expérience personnelle, il est plus difficile de retrouver un point dans les montagnes d’Asie Centrale ou dans une jungle africaine.
Enfin, rien ne vaut la pratique, plus vous en faites, plus vous devenez performant.
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